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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

« Florence, aa milieu de cette enceinte antique d’où elle compte encore les heures du jour, vivait en paix, dans la sobriété et la pudeur. Les femmes n’avaient ni chaîne d’or, ni couronne, ni ceinture qui fut à regarder plus que la personne. La fille, en naissant, ne faisait pas peur au père, par l’idée de la fuite rapide du temps et de l’accroissement sans mesure de la dot. Il n’y avait pas de maison sans famille, et Sardanapale n’en était pas venu à montrer ce qui peut s’oser dans une chambre. Devant nos palais ne s’abaissait pas encore le monte Mario, qui, s’il est vaincu en hauteur, n’en sera pas pour cela plus dédaigné. J’ai vu Bellincion Berti marcher ceint d’une pauvre casaque en cuir, et sa femme s’éloigner du miroir sans s’être peint le visage. J’ai vu un Nerli, un del Vecchio, se contenter d’un simple vêtement de peau, et leurs femmes occupées du fuseau et du rouet. Heureuses femmes ! chacune était assurée de sa sépulture, et nulle n’était délaissée pour la France. L’une veillait aux soins du berceau, et, pour consoler l’enfant, usait de ce langage qui ravit de joie les pères et les mères. Une autre, en filant la laine sur la quenouille, devisait avec sa famille des Troyens, de Fiésoles et de Rome. Alors une Cianghella, un Lapo Salterello, auraient passé pour un prodige, tels que le seraient aujourd’hui un Cincinnatus et une Cornélie. Dans cette vie si calme, dans cette belle vie de citoyen, dans cette communauté si pure,