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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

hommes le stigmate de la honte ou la lumière de la gloire, et fit elle-même, dans cette vie, les rétributions pénales qu’elle a décrites pour l’autre.

Elle ne nous représente pas seulement le chœur antique, ce long hymne de la tragédie grecque ; elle renouvelle cette épode rapide et sanglante, ce sévère anathème du génie, que lançait la muse irritée et qui ressemblait à la terrible marche de guerre des Crétois, sous le son de la lyre.

Quelques-unes des plus grandes beautés éparses dans la Divine Comédie sont empruntées à ce caractère militant de l’enthousiasme poétique. La poésie antique avait été parfois homicide. La poésie du Dante alla plus loin : tel homme pervers, qu’elle avait désigné, n’osa se tuer, par effroi même des peintures du poëte, mais traîna la vie sous la damnation de ses remords, dans la solitude que lui faisait la juste horreur de ses concitoyens.

Ce poëte, inexorable pour le vice, la cruauté, la bassesse, est un peintre sublime des plus douces vertus : il est, par moments, le moraliste mélodieux que charment l’innocence de la vie, la simplicité des champs, la pureté des mœurs antiques. Sa douce extase devant de telles images suspend sa colère et ses haines ; et la lyre est, sous ses doigts, pleine de tendresse et de pureté naïves. Quelle ode d’Horace, sur les premiers temps de Rome, égale ce tableau de l’ancienne Florence, dans le xve chant du Paradis :