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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Ces images peuvent nous rappeler ce que nous avons admiré dans Pindare, et ce que Dante n’avait pas lu, ces îles des bienheureux, où abordent les âmes choisies, où la lumière ne s’éteint jamais, où le souffle léger du zéphir agite les rameaux odorants des arbres. Cette peinture, dans Pindare, efface bien la rudesse de l’Élysée d’Homère ; mais elle est encore tout extérieure ; elle est le charme des sens ; elle n’est pas le bonheur de l’âme. C’est à peindre ce bonheur que s’est complu le banni de Florence, le chef de parti vaincu, le poëte errant forcé d’apprendre « combien est amer au goût le pain de l’étranger, et combien est rude à monter et à descendre l’escalier d’autrui. »

De ce contraste même entre le poëme et l’homme, entre les contemplations de la pensée religieuse et les épreuves de la vie soufferte, de ce contraste sort le pathétique humain qui se mêle à cet idéal. Le poëte nous ramène à la terre par ses douleurs, comme il nous élève à Dieu par son génie ; mais il est théologien, il argumente, il déclame, il accuse, il est implacable dans le ciel.

Par là encore, cette poésie extraordinaire du Dante renouvela et dépassa, dans le moyen âge, un des caractères qu’avait eus la poésie grecque, cette voix éclatante de la passion aidée par l’harmonie. Elle fut l’hymne religieux de Pindare, le chant guerrier de Tyrtée, l’ïambe vengeur d’Archiloque. Elle flétrit le vice, comme elle exaltait la vertu ; elle mit sur les actions des