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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

rêvée si longtemps, dans cette uniformité d’éblouissement et d’enthousiasme. Le sublime lyrique, nous a-t-on dit, est un élan rapide, un éclair de l’âme. Mais, sur la route du ciel et dans le ciel même, l’admiration mystique n’a pas de repos, et l’enthousiasme ne peut passer ni renaître. De là, sans doute, l’intérêt moins grand qui s’attache au Purgatoire et au Paradis du Dante. Son génie a pu tout faire, hormis de varier la perfection morale et de passionner la béatitude. Sous les flots de cette poésie rayonnante, sous la monotonie de cet art merveilleux, on finit par demeurer plus étonné qu’ému.

Et toutefois de cette éclatante uniformité la mémoire peut détacher des beautés qu’on n’oublie pas, les plus neuves de la poésie moderne, bien que toutes remplies encore de l’imagination antique. Tour à tour calme et forte, extraordinaire et grave, cette poésie est tantôt un récit, tantôt un hymne. Écoutez le poëte : « Le soleil déjà touchait l’horizon qui, vers midi, environne d’un cercle lumineux tout Jérusalem ; et la Nuit, toujours opposée à cet astre, s’élevait en dehors du Gange, avec le signe de la Balance qui lui tombe de la main quand c’est elle qui règne. Les joues vermeilles de la blanche Aurore brunissaient, sous les feux d’un été trop ardent.

Nous étions encore près de la mer, tels que le voyageur qui songe au départ, et déjà marche dans la pensée, mais demeure immobile : tout à coup, de

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