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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

ses contemporains. Cette gloire n’appartient qu’à la grande œuvre du Dante ; et là même, malgré ce nom de Cantique appliqué par lui-même à cette œuvre, ce n’est pas l’inspiration lyrique qui domine le plus. Protée du moyen âge, revêtant toutes les formes du monde civilisé et du monde barbare, prodiguant tour à tour le raisonnement, l’imagination, la subtilité des allégories, l’invective et la plaisanterie, Dante n’aura que rarement, dans la première partie de son poëme, la pureté de l’accent lyrique. Et pourtant, si nous voulons, après Pindare, après Horace, donner une image de cette poésie sublime et calme qui retraçait, pour les anciens, les révolutions capricieuses du sort et les mettait au-dessous du courage et de la vertu, c’est au poëte de la Divine Comédie qu’il faudrait demander cet exemple. Quelle ode à la Fortune égale l’image et la leçon contenues dans ces vers :

« Maintenant, ô mon fils, tu peux voir la coupe remplie de tous les biens pour lesquels se tourmente la race humaine. Tout l’or qui se rencontre sous la lune, ou qui a jamais appartenu à ces âmes harassées de fatigue, ne pourrait procurer à une seule d’elles un instant de repos.

Maître, lui dis-je, quelle est cette Fortune, dont tu m’as dit un mot ? Qu’est-elle, pour tenir ainsi le monde dans ses mains ? » Il me répondit alors : « Ô créatures insensées ! quelle ignorance vous égare ! Il faut que je vous instruise. Celui dont la science surpasse tout,