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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

la nature me demanda à celui qui a voulu, ô femmes, m’associer à vous pour compagne. Chaque étoile a versé dans mes yeux quelque chose de sa lumière et de sa vertu. Mes beautés sont nouvelles pour le monde, m’étant venues de là-haut ; et elles ne peuvent être comprises que de l’homme en qui l’amour règne déjà, sous l’attrait d’une autre. »

Ainsi, la passion des troubadours était déjà une divine extase pour la poésie de leur successeur. D’autres accents lyriques la rendront plus expressive encore. Je ne crois pas que, dans le langage des sentiments privés, il y ait rien de plus touchant que la prière du poëte à la Mort, pendant la maladie de Béatrix. La douleur d’Horace sur la perte d’un ami, son effort pour consoler dans un autre une affliction non moins grande que la sienne, attendrit et charme par la pureté des sentiments et la tristesse mélodieuse des paroles. Mais tout se terminait à l’aride résignation de ceux qui n’ont pas d’espérance, comme devait le dire un jour l’Apôtre.

Quelle douleur plus pathétique dans la prière du poëte, suppliant à plusieurs reprises et par toutes les inventions du cœur cette inflexible Mort, et lui disant enfin, dans le culte chrétien de son amour : « Ô Mort ! ne diffère pas d’accorder merci, si tu le peux ; car je vois déjà le ciel s’ouvrir, et les anges de Dieu venir dans ce bas monde pour emporter l’âme sainte. »

On sait combien cette image de Béatrix occupa