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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Retenus que nous sommes par les entraves du corps, nos âmes s’envolent après toi ; et avec toi nous chantons les hymnes du Seigneur.

Liés à toi, à ta vie intérieure, nous éclatons au dehors par la prière et le chant.

À partir du rivage qu’elle effleure, l’Adriatique soumise te portera sur ses flots paisibles ; et tes voiles s’enfleront d’un doux zéphir.

Tu glisseras sur la mer aplanie, et, triomphant, du haut de ta poupe armée de la croix, tu vogueras à l’abri des flots et des vents.

Les matelots chanteront l’antienne accoutumée, en vers modulés comme des hymnes ; et, par leurs pieux accents, ils appelleront des souffles favorables.

En avant de toutes les voix sonnera, comme un clairon, la voix de Nicétas célébrant le Christ ; et, sur la mer, répondra David et sa harpe[1]. »

C’étaient les Argonautes et l’Orphée de ces temps nouveaux. La poésie renaissait avec l’enthousiasme. La lyre, associée à des offrandes plus pures, à l’amour de Dieu et de l’humanité, retrouvait d’austères et gracieux accents. Mais les flots de la barbarie, mal contenus par le despotisme usé du vieux monde, allaient pour un temps tout submerger et tout détruire, sauf les croix immortelles des églises, qui apparaîtraient encore çà et là sur l’abîme.

  1. Div. Paul. Poemat. p. 633.