Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Dans la réalité, Pindare, né d’un père dont le nom est rapporté diversement, Daïphante ou Scopelinos, fut dès l’enfance formé par lui à l’art de la musique, et plus tard élève de Lasos d’Hermione, le plus renommé de son temps pour la lyre et le chant. Il reçut aussi les leçons ou partagea les études d’une femme célèbre, Myrto ; mais ce nom s’efface devant celui de Corinne, la gloire presque unique d’une ville voisine de Thèbes, Tanagre, que fréquentait Pindare.

Près de Corinne, Pindare semble avoir reçu des conseils de goût, encore plus que des inspirations musicales. Le voyant enorgueilli de ses premiers essais et du beau langage qui lui venait sans effort, Corinne lui aurait dit « qu’il manquait aux « muses, en ne sachant pas employer les fictions, ce qui est le grand œuvre de la poésie, tandis que les expressions, les figures de style, la mélodie, le rhythme, ne sont qu’un agrément ajouté aux choses mêmes. » Le jeune homme, averti, commence un nouveau chant sur ce ton : « Vais-je chanter Ismène, ou Mélias aux fuseaux d’or, ou Cadmus, ou la race sacrée des hommes nés des dents de serpents, ou la force toute-puissante d’Hercule, ou… » Comme il récitait ce début à Corinne : « Il faut semer par pincées », dit-elle avec un sourire, « et non renverser tout le sac[1]. » C’était bien juger ce luxe de souvenirs my-

  1. Plutarch. Mor. p. 425.