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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

ront chantés sur la dernière terre barbare que le christianisme aura conquise et bénie.

Quelques années après la naissance du poëte de Tarragone, un autre chantre de la foi chrétienne s’élevait dans ces provinces méridionales de la Gaule, la conquête et la continuation de l’Italie ; c’était Paulin, l’élève, l’ami, le contradicteur d’Ausone, et associé comme lui quelque temps aux dignités de l’empire. Par une affinité de plus avec le poëte Prudence, Paulin, jeune encore, avait reçu la foi dans cette province d’Espagne si passionnée pour elle. Il vécut là plusieurs années, s’y maria dans une opulente famille chrétienne, et fut converti par l’exemple et les prières de sa femme, impatiente de le gagner tout à fait à son culte, et de se délivrer, ainsi que lui, des richesses qu’elle lui avait apportées en dot. Docile à cette voix aimée, Paulin, quittant le sénat de Rome, vendit ses vastes domaines pour en distribuer le prix aux malheureux et entrer dans la pauvreté religieuse.

On craint presque d’associer les idées de littérature et d’art à ces œuvres d’une vertu si fervente ; mais oublier ce mélange serait altérer la vérité. Paulin (son débat poétique avec Ausone nous l’atteste) était un esprit élégant, nourri des plus gracieux souvenirs de la poésie profane. Seulement ce qui était pour Ausone une idolâtrie n’était pour lui qu’une distraction, aimée longtemps et combattue. Paulin d’ailleurs ne s’arrêtait pas, pour ainsi dire, à la grandeur extérieure de la foi pour