Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

sa cendre tiède encore. Tout cela est bien peu pour soutenir l’âme à la dernière heure, et l’inspirer durant la vie. Mieux vaut, même dans les ruines du génie des Romains, recueillir une de ces épitaphes qu’avaient laissées les martyrs. Mieux vaut entendre de la bouche du lyrique chrétien sa belle invocation au Créateur, foyer des âmes humaines, et sa confiance dans la vie éternelle qui leur est promise :

« La mort[1], ô Dieu ! tu es prêt à la détruire pour tes serviteurs ; et tu leur montres l’inaltérable voie par où le corps même doit renaître.

Viennent seulement les temps où Dieu doit accomplir toute espérance ! il faudra, ô terre ! que tu me rendes l’image que je te livre. Quand même la carie des âges aurait dispersé la poudre de mes ossements et n’en laisserait qu’une poignée de cendre, quand même les eaux courantes des fleuves, les souffles épars dans l’air, auraient emporté mes fibres avec ma poussière, l’homme ne pourra périr.

Mais tandis, ô Dieu ! que tu rappelles et que tu recomposes ce corps dispersé, où feras-tu reposer l’âme innocente ? Recueillie dans le sein du bienheureux patriarche, sera-t-elle, comme Lazare, entourée de fleurs, sous les yeux du riche consumé par les flammes ?

  1. Prud. Oper. ; Cathemer. hymn.