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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Je m’y tiendrai vivant ; j’y tomberai mort. Je suis ministre de Dieu. Et peut-être faut-il que je lui fasse l’oblation de ma vie. Dieu jettera quelque regard favorable sur l’autel arrosé par le sang du pontife. »

Cela même, cette résolution qui fut accomplie, relève singulièrement le caractère du poëte dans l’évêque. Synésius n’est pas un imitateur de formes élégantes, un travailleur industrieux en poésie, comme il s’en rencontre dans les siècles de décadence. Sa lyre est l’instrument de son âme, de sa rêverie studieuse, de sa foi mystique. Elle ne le distrait pas des devoirs sérieux de la vie : elle l’excite à les remplir ; elle aide à son enthousiasme de prêtre et de défenseur public.

C’est par là que ces hymnes grecs doivent se distinguer à nos yeux de tant d’autres vers du même siècle ou du siècle suivant. L’auteur était un sage, avec une imagination élevée et gracieuse ; et il montra, dans les dernières épreuves, un dévouement héroïque à ses concitoyens. Il mourut, comme saint Augustin, dans sa ville épiscopale assiégée par les barbares ; et, sans être jamais devenu complètement orthodoxe, il fut martyr.

Pour achever la peinture de ces temps extraordinaires, il resterait à montrer, près du poëte chrétien, sublime de courage et de charité, une dernière image du poëte païen, hiérophante et rêveur. Telle est la lente extinction des anciennes croyances : lors même qu’une foi jeune et pure en consume les restes du