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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

mère honorée comme sainte, à l’ombre d’une église qu’il gouverna quarante ans.

Synésius, au contraire, celui que Bossuet appelle le grand Synésius, n’a respiré dans sa jeunesse que l’atmosphère païenne et philosophique. Issu d’une noble et riche famille, dans la belle colonie grecque de Cyrène, il a senti de bonne heure l’orgueil de sa race, la tradition patriotique des sentiments de ses ancêtres ; et, entre les missions difficiles que lui confiaient ses concitoyens à la cour des empereurs chrétiens, et les heureux loisirs qu’il goûtait dans ses vastes domaines de Libye, il a cultivé les lettres avant tout ; il les a cultivées d’abord, sans autre foi que la science même, sans autre pratique religieuse qu’un reste de polythéisme spiritualisé par la raison.

Que si, plus tard, cette liberté illimitée de l’âme lui a trop pesé, si, dans ce vide et cette absence d’un culte positif, l’autorité croissante du christianisme a fini par l’entraîner, le charmer de ses merveilleux triomphes, le retenir par la grandeur même des problèmes qu’elle résolvait devant lui ; si enfin, au milieu de ses recherches et de ses progrès de croyance, en dépit même de ses réserves sur quelques points, la main d’un impérieux docteur, de l’archevêque Cyrille, est venue le saisir et l’enchaîner à la religion par les plus grands honneurs qu’elle puisse offrir, on le concevra sans peine, Synésius, ainsi parvenu à la chaire épiscopale, n’y portera pas les agitations et les souffrances