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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

Cappadoce et qui s’est fortifié de toute science pour le Christ. »

Dans ce regret, dans cet adieu, dans cette joie prétendue, dans cet espoir d’oubli, vous sentez, n’est-ce pas, les dernières passions d’une âme chrétienne mais humaine ? On peut le croire : cette offrande du silence, cette résignation à l’obscurité, cet abandon si absolu de la gloire, mais aussi de l’apostolat, n’était pas sans repentir, sans désaveu secret, pour le brillant orateur si touché des grâces de la parole et si puissant par elles. À quelques égards, et dans la différence des temps et des mœurs, son éloignement de Constantinople était la disgrâce de Fénelon au dix-septième siècle : c’était plus encore, car il était banni de son église comme de la cour ; il était, non pas exilé dans son diocèse, mais relégué comme inutile dans un obscur village. La piété même, le regret du bien à faire, de la foi à défendre, venaient au secours des faiblesses de l’orgueil humain et s’y mêlaient pour les couvrir, s’il en restait encore dans cette âme enthousiaste et candide. De là, les accents de vraie poésie élégiaque, admirés dans Grégoire de Nazianze, mais qui ne devaient pas nous faire oublier son génie lyrique.

Grégoire de Nazianze, archevêque et poëte, tantôt remplissant de ses homélies ou du chant populaire de ses hymnes les basiliques de Byzance, tantôt, par des méditations rêveuses et des élans vers Dieu, occupant sa solitude délaissée dans un village de Cap-