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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

je parle ; pour toi je m’arrête, ô Christ roi ! pour toi je pars, parce que ta main me protége. Conduis-moi, aujourd’hui même, au but de ma route. »

On le comprend, au reste : quelque belle que soit par moment cette poésie, les tons doivent en être peu variés ; la tristesse religieuse qui en est l’âme en fait l’uniformité. Mais l’art n’était pas l’objet du poëte : il épanchait ses craintes, ses douleurs, ses méditations chrétiennes de chaque jour, et s’inquiétait peu des fréquentes répétitions, qui n’étaient que l’écho de sa foi.

Sous cette forme, Grégoire de Nazianze a été poëte original ; et, dans le volumineux recueil de ses vers, il y a quelques méditations élégiaques d’un charme impérissable. Et cependant ce génie contemplatif, qui ne trouvait toute sa grandeur que dans le repos, sous la main de Dieu, dans la tristesse solitaire, avait été bien des années en butte au choc des passions humaines, entre les grands et le peuple, admiré, applaudi, calomnié, battu de toutes les agitations des conciles, ce forum du monde chrétien. Le contre-coup de tant de luttes et comme le long souvenir de ces vives douleurs se retrouve aussi dans ses poésies, langage familier de son âme, non moins naturel pour lui que la prédication ou la prière.

Ce reste des blessures du siècle le suivra, le tourmentera dans la retraite, soit cette retraite passagère et troublée qu’il se faisait parfois au milieu des splen-