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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

restent enfoncés, jusqu’à nos jours de civilisation matérielle et de politique surtout commerciale.

Entré dans cette voie d’une humble et assidue présence devant Dieu, le poëte, l’orateur des conciles et des cours n’était plus, ne voulait plus être qu’un fidèle qui prie : toutes ses pensées, dédaigneuses du monde, remontaient au Créateur ; tous les actes de sa vie ordinaire, toutes ses épreuves, tous ses regrets, toutes ses douleurs, n’étaient que des occasions de culte et d’actions de grâces.

C’est ainsi que, dans les nombreuses poésies de Grégoire de Nazianze, on peut noter trois formes principales, diversement lyriques : la méditation ascétique du philosophe, l’hymne orthodoxe et populaire de l’évêque, la prière du simple chrétien, toujours sous le regard de Dieu.

Cela seul peut-être nous fait bien comprendre la vie fervente de ces temps, et les prodiges d’imagination et de force, de grandeur et d’humilité, qui sortaient de cette extase presque ininterrompue, dont l’exemple, donné par quelques âmes supérieures, se reproduisait dans une foule obscure, non sans y susciter de grandes choses aussi.

Pour Grégoire de Nazianze, et dès lors pour ses disciples, la lecture même de l’Écriture sainte était comme une initiation que devait précéder une prière dont il avait tracé la formule à son usage et à celui des autres :

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