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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

par l’ingénieux enthousiasme de ces Hellènes d’Asie. Ils aimaient, dans la ferveur de leurs cantiques, à ne point séparer de l’hommage au Très-Haut la sévère justesse de langage qu’avait prescrite le concile de Nicée, et que rendaient plus précieuse et plus inviolable la haine des dissidents et les persécutions tour à tour infligées ou souffertes.

Dans sa fidélité à la rigueur du dogme, la parole du poëte n’en était que plus puissante sur ces foules chrétiennes qui peuplaient la Grèce orientale, les îles de la mer Égée et toute l’Asie Mineure. Partout, de Constantinople au village d’Arianze, chez ces artisans laborieux des villes que saint Basile nous montre si intelligents de la parole sainte et si curieux des merveilles de la nature, dans ces bourgades hautes semées sur des plaines fécondes, dans les pieuses panégyries, les assemblées, les processions fréquentes que le christianisme ramenait pour ces hommes, de tout temps amis des jeux et des solennités, n’entendez-vous pas, sous ce beau ciel des deux continents qui se rapprochent, parmi les chœurs chantants de cette race heureuse alors, retentir dans le passé cette poésie sainte et pure ? Écoutez-la, comme l’hymne d’un siècle qui va finir ; écoutez-la, avant que ces beaux climats, mal défendus par le despotisme inerte de l’empire, mais préservés longtemps des Scythes et des Goths, tombent sous l’invasion musulmane, tombent pour des siècles,