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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

« Ô toi, supérieur à tout[1] ! car de quel autre nom est-il permis de le saluer ? Comment la parole te louera-t-elle, toi qui es ineffable ? Comment l’esprit te verra-t-il ? car tu ne saurais être saisi par aucune intelligence. Tu es seul inexprimable, toi qui as créé tout ce que la parole exprime ; tu es seul impossible à connaître, toi qui as créé tout ce que perçoit l’intelligence. Toutes choses parlantes ou muettes te célèbrent ; toutes choses intelligentes ou non te rendent gloire.

Toutes les misères, toutes les douleurs s’adressent à toi ; tous te supplient. Tout ce qui songe que tu existes élève, même dans le silence, un hymne vers toi. Seul tu es immuable : tout vers toi se précipite ; tu es la fin de tout, tu es unique. Tu es toutes choses, et tu n’es aucune de ces choses. Tu n’es pas l’unité, tu n’es pas le tout. Toi qui as tous les noms, de quel nom t’appeler, être ineffable ? Mais ces voûtes au-dessus des nuages, quel esprit olympien pourrait les pénétrer ? Sois-nous propice, ô toi, supérieur à tout ! car de quel autre nom est-il permis de te saluer ? »

Il y a dans la gravité laborieuse de ces vers, dans ces distinctions subtiles peut-être, qui sont comme les degrés d’une réflexion plus profonde, il y a dans ce travail de méditation un accent vrai d’enthousiasme, une ardeur et une souffrance de foi qui per-

  1. S. Gregor. Nazianz. Oper. t. II, p. 286.