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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

tout en soi. Rien de plus grand que le Père. Du grand Dieu le Père est né le Verbe, le Fils éternel, image archétype, essence égale à son auteur ; car la grandeur du Fils est la gloire du Père, et il a brillé d’une gloire telle que la conçoit le Père seul, ou celui qui resplendit égal au Père. Il n’est en effet rien qui approche de la Divinité. »

Ne diriez-vous pas, à ce langage, qu’une nouvelle poésie, méditative et profonde, semblable au regard mélancolique du solitaire penché sur l’abîme, sortait des obscurités mêmes de la foi chrétienne ? Nous entendons encore retentir dans notre mémoire quelques vers harmonieux d’Horace sur la primauté de Jupiter par-dessus tous les dieux :

Quid prius dicam solitis Parentis
Laudibus ? etc.
Unde nil majus generatur ipso,
Nec viget quidquam simile aut secundum.

L’expression en est grave et noble, et rachète un moment les doutes du poëte épicurien et les puériles crédulités de la foule. Mais, s’il y a là quelque chose pour la raison philosophique, pour la conception spéculative de l’essence divine, il n’y a rien pour le cœur ; rien de cette touchante médiation et de cette mystérieuse unité qui fait quelque peu comprendre la Divinité, par l’infini même des différences que sa miséricorde a comblées pour l’homme, en s’assimilant,