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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

réunir les mille rayons épars, à longues distances, dans les vastes deux de l’imagination, il nous serait aisé d’apercevoir un rapport d’émotions entre ces élans de mystique amour et les prières de plus d’un pieux sectaire moderne. Si je voulais, par exemple, comparer quelque chose aux chants rêveurs du mélancolique Cowper, dans sa vie de contemplatif et de pénitent, à ses hymnes d’Olney, je relirais les poésies du solitaire retiré au village d’Arianze, et j’y trouverais, non pas la magnificence, mais la douce gravité du génie lyrique. Je croirais entendre, non l’hymne triomphal d’un martyr, mais la voix solennelle du prêtre consécrateur.

Tel est, par exemple, ce chant où, dans l’hexamètre de l’Hymne à Jupiter du philosophe Cléanthe, Grégoire énonce la vérité sublime et touchante, et, comme disait un Père de l’Église, la tendresse intérieure renfermée dans le théisme chrétien. Mais il ne faut pas oublier qu’ici l’effusion même de la croyance était une arme de défense, et une réponse à la doctrine d’Arius.

« Chantons d’abord le Fils[1], dans notre saint respect, pour le sang expiateur de nos fautes. Il est besoin que même le mortel vienne au secours des cieux, devant la langue insensée qui fait outrage à la Divinité, en nous dégradant aussi nous-mêmes. Rien n’existait, avant le Père souverain. Il renferme

  1. S. Greg. Nazianz. Oper. t. II, p. 208.