Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
391
ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

recordaremur Sion ; — Lauda, Jerusalem, Dominum ! ces refrains religieux de l’univers chrétien conservent un éclat, une force de beauté, dont semble parfois s’étonner la langue grecque, et qui lui vient comme une grâce nouvelle, étrange et un peu sauvage.

Sous l’influence qui multipliait ces échos de la lyre hébraïque, le savant pontife de Constantinople, Grégoire de Nazianze, entreprit de célébrer dans des hymnes du même rhythme lent et grave, d’abord les dogmes du christianisme, puis les craintes, les espérances, les joies et comme les passions de l’âme chrétienne.

Certes, ce beau génie d’une époque de décadence, cet orateur qui, s’il est permis de mêler deux termes contraires, nous semble un Isocrate passionné, se laisse entraîner parfois, dans ses discours mêmes, à des mouvements d’une vivacité presque lyrique : témoin ses adieux à sa tribune patriarcale de Constantinople, à son peuple, à son auditoire, au sanctuaire qu’il a défendu, aux fidèles qu’il a charmés, à la terre, au ciel, à la Trinité même. Mais, lorsqu’à l’éclat de la faveur publique, ou même de la disgrâce célèbre encore et bruyante, eut succédé pour Grégoire de Nazianze l’obscurité de la retraite, non plus l’humilité volontaire au milieu d’un palais, mais la solitude de la cellule et du désert, ce fut sous d’autres formes plus graves que dans sa tristesse parut toute son âme de poëte.

Avec l’attrait de curiosité qui nous fait épier et