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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

aux âmes ; elles ne sauraient servir à exprimer un autre enthousiasme que celui qui les a fait naître. Vouloir, par un calque minutieux et servile, prendre les images et les couleurs de Pindare ou de Sophocle afin d’en couvrir la simplicité évangélique, c’était un faux travail, un sacrilége pour le goût plus encore que pour la foi.

Mais un meilleur dessein de ce même sophiste grec et de son fils, des deux Apollinaire et de leurs disciples, c’était de vulgariser dans la langue grecque le génie hébraïque, d’où sort, en partie, le christianisme même ; c’était d’enrichir la Grèce, en lui apportant un nouveau reflet des couleurs et des feux de l’Orient. Traduire les chants du Psalmiste, non plus en prose littérale, comme avaient fait les premiers interprètes alexandrins, mais en vers ; et, sans rechercher avec un laborieux archaïsme les anciennes images de la poésie grecque, la forcer elle-même à recevoir, en se troublant quelque peu, ce torrent de hardiesses étrangères, c’était là, ce semble, une bien autre variante pour la lyre, un rajeunissement plus naturel et plus vrai pour cette imagination érudite qui se recopiait sans cesse elle-même depuis les Callimaque et les Apollonius de Rhodes.

Aussi cette version des psaumes hébreux en hexamètres grecs, plus originale que les créations factices d’Alexandrie, a-t-elle survécu à travers les temps et la barbarie. On la lisait autrefois, dans l’Orient chrétien ; et