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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

naturelle qui, à des époques éloignées, sous des conditions sociales fort différentes, a souvent réuni dans la même personne, pour la même croyance et pour les mêmes admirateurs, le prêtre, le philosophe et le chantre lyrique.

Déjà nous avaient apparu ces sages de la haute antiquité, ces physiciens spiritualistes de la Grèce ancienne, qu’Aristote nomme théologiens, et qui, tels que les fabuleux Orphée, Linus, Musée, et plus réellement Parménide, Empédocle, célébraient en vers leurs dogmes sur la formation du monde, leurs ravissements d’amour au spectacle de la nature, et les recommandations morales qu’ils adressaient à l’homme. D’autre part, à l’autre extrémité du champ qu’a parcouru l’esprit humain, dans une durée de deux mille ans, des bords de l’Asie Mineure et de l’Europe orientale à l’Italie deux fois couronnée par les arts, nous verrons s’élever cette grande physionomie du Dante, sur le tombeau duquel l’admiration des contemporains écrivit pour suprême éloge :

Theologus Dantes, nullius dogmatis expers.

C’est dans l’intervalle des premiers jours de la prédication évangélique à l’avènement de l’Homère chrétien, que parut l’effusion lyrique de la foi nouvelle, depuis ces hymnes murmurés dans les cénacles chrétiens de Bithynie, jusqu’aux cantiques savants de