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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

adieux. Mais pourtant, quelle dignité dans ce langage encore, quelle simplicité douce et tendre ! Cet hymne à la Panagia, cet hymne avec ses variantes, tel qu’à travers la barbarie et l’esclavage il s’est conservé sous la tente du berger, dans les forêts du Klephte, à bord de la frêle barque du pêcheur, et tel qu’il se murmure encore dans les pauvres villages des Grecs d’Asie, n’est-il pas, pour vous, le gage saint et touchant de la durée vivace de ce peuple opprimé ! Ne peut-on pas appliquer ici à la tradition lyrique du génie grec ce qu’on a dit de la race même ? Le voyageur, sur le seuil de huttes à demi ruinées, à travers quelque chemin défoncé de la Morée, reconnaissait parfois, dans de pauvres jeunes femmes asservies à quelque tâche grossière, la stature et la beauté de ces filles de la Grèce retracées sur les bas-reliefs antiques, telles qu’elles avaient paré les fêtes des dieux. Ne retrouve-t-on pas également ici, sous les humbles refrains de la prière chrétienne, un souffle du génie qui dans ces mêmes fêtes avait animé jadis la voix et la lyre ?

Avec la liberté du christianisme devait s’accroître, non pas la poésie des âmes religieuses, mais celle du culte, la pompe et l’éclat du chœur, l’ordonnance des voix qui se distribuaient le chant des hymnes. Il se conservait de plus, comme un reste des temps de persécution et de solitude, certaines prières assignées à diverses heures du jour. C’était le chant par lequel l’ardent initié marquait et sou-