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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

À ce témoignage des persécuteurs on peut joindre celui d’un chrétien du premier siècle, dont une phrase, conservée par Eusèbe comme indice de l’antiquité du dogme, en atteste aussi la commémoration sous forme lyrique et musicale. « Les cantiques », dit Caïus, suivant la version grecque d’Eusèbe, « et tous les chants des frères écrits dès l’origine par quelques-uns des fidèles célèbrent le verbe de Dieu, le Christ, en le nommant Dieu lui-même. » Beaucoup de ces chants, première effusion de la foi populaire, ont péri sans doute par les précautions mêmes dont cette foi s’enveloppait ; mais la part de la poésie, dans le culte nouveau, n’est pas douteuse. Ainsi toujours monta vers Dieu la prière publique. Comme pour approcher de l’autel le prêtre idolâtre s’était paré d’un vêtement plus précieux et avait ceint sa tête de bandelettes, de même il avait relevé son langage par le mètre et l’harmonie. Le culte mosaïque n’était que chant et poésie. La pureté chrétienne, plus contemplative, ne pouvait négliger cette puissance du rhythme, ce concert des voix, qui parle le mieux aux âmes et semble à la fois les dominer et les unir.

Seulement elle n’y mêlait plus rien de sanglant et de profane. Elle n’avait plus de victime que la divine Eucharistie ; elle n’aurait plus permis, même à titre de symbole, ces danses réputées religieuses où se plaisaient des peuples sensuels et guerriers. La marche lente d’une procession pieuse, la blan-