Page:Villemain - Essais sur le génie de Pindare, 1859.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374
ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

pouvoir qu’ils adulaient, a trouvé de purs et derniers accents pour honorer la mémoire de Lucain et célébrer dans la maison de sa veuve l’anniversaire de sa naissance. C’était peut-être sous le règne si court de Titus, dans cette trêve d’un moment accordée par l’empire. Plusieurs règnes avaient passé, depuis Néron et ses nombreuses victimes. On avait vu s’élever ensemble ou se succéder Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, si glorieux pour Rome, et cruel seulement pour Helvidius, le fils adoptif de Thraséas. Les amis du poëte Lucain, ceux qui dans l’étude des lettres cherchaient encore la liberté, le culte des vertus anciennes et l’espoir de l’avenir, sont réunis à Rome près de la veuve du poëte, restée fidèle à son nom et à son amour. C’est devant elle qu’est célébrée la naissance de celui qu’elle pleure :

« Nous chantons Lucain[1] ; prêtez-nous favorable silence : c’est ici votre jour, ô Muses ! soyez-nous propices, alors que celui qui vous entraîna par le double charme de l’éloquence et des vers, le maître sacré des cantiques romains, est célébré.

Heureuse et trop fortunée région, qui vois à la surface de l’Océan les derniers pas du soleil incliné, et entends frémir la roue de son char abaissé dans les flots, toi, Bétique ! dont les moelleux tissus défient l’art d’Athènes inspiré par Minerve, tu peux te vanter de Lucain ! Tu peux t’enorgueillir de lui, plus que

  1. Stat. Sylvar. lib. II, Geneth. Luc.