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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

et en répétant au théâtre, dans les fêtes de sa patrie victorieuse, les chants de douleur d’Ecbatane sur Xerxès fugitif qui repasse la mer dans une barque, avec un carquois vide, il semble plutôt un conseiller qu’un flatteur de la cité triomphante. Il veut la louer surtout d’avoir élevé dans la divine Delphes le dôme admirable du temple d’Apollon Pythien. On dirait même qu’il ne ménage pas les orateurs de la grande cité, dans cette Néméenne où, rappelant l’innocence calomniée d’Ajax, il s’écrie : « Une odieuse éloquence s’élevait déjà entourée d’un cortége de flatteuses paroles, armée de ruses et faisant le mal par l’insulte. C’est elle qui fait violence à la vérité, et sur des noms obscurs jette une gloire corrompue[1]. »

Sa complaisance de cœur semble être pour l’île d’Égine, la conquête et l’auxiliaire d’Athènes, grande dans l’imagination poétique par le nom des Eacides, et mêlant, comme Athènes, la guerre, la marine et les arts. Et cependant, lorsqu’il la célèbre, au nom d’un de ses enfants, Aristomène, vainqueur aux jeux olympiques, ce qu’il loue en elle, c’est l’amour de l’équité civile, et ce qu’il lui recommande, c’est la haine des troubles populaires.

« Douce tranquillité, dit-il alors, fille de la justice, toi qui agrandis les cités, tenant dans tes mains les clefs des conseils et des guerres, reçois pour Aris-

  1. Pind., ed. Boiss., Nem., VIII, p. 521.