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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

la terre. Dans l’accent le plus vrai de son délire, Horace imite cette fois encore Pindare, sans atteindre à sa sobre gravité. Pindare en effet se bornait à dire : « Une parole immortelle, c’est une parole bien dite. »

Horace, dans son orgueil poétique, affecte plus d’ivresse. Mais qu’est-ce autre chose qu’un artifice de langage, un jeu de celui qui se vante d’avoir assoupli le premier les chants éoliens à la cadence des mètres italiques ? Cette fois il imite le délire des orgies de la Thrace, comme ailleurs il imitera les écarts du poëte thébain et les épisodes jetés dans ses hymnes. Il ne lui suffit pas, en effet, pour flatter Auguste, de redire sans cesse la paix de l’Italie, le temple de Janus fermé, et le repos du laboureur sous la garde toute-puissante de César : le poëte aspire plus haut. On lui demande, pour un des héritiers de l’empire, pour un des fils de Livie, cette gloire des armes qui avait fait la grandeur de Rome. Drusus, celui que l’espérance trompée du peuple romain avait regardé comme un libérateur futur, venait d’écraser quelques peuplades demi-sauvages des Alpes germaniques, aux portes de l’Italie. Horace, par l’ordre d’Auguste, va grandir cet exploit pour en faire un titre à la famille impériale :

« Les barbares ont compris ce que pouvait une âme, une nature nourrie dans un fortuné sanctuaire, et le pouvoir du cœur paternel d’Auguste sur les jeunes Nérons.