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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

n’eut qu’un seul interprète, plus ingénieux que grand, plus ami du plaisir que de la vertu, de la fortune que de la gloire.

La cause en est facile à trouver dans l’histoire morale et civile de la société romaine. Jamais époque ne fut moins faite pour l’enthousiasme. On peut rêver à plaisir le pouvoir absolu ; on peut le prétendre un mal nécessaire, dans certain état du monde. On l’a vu quelquefois personnifié dans un héros puissant sur l’imagination des peuples. Rien de tel ne se rencontre sous la domination d’Octave, ni dans le génie des temps où il a régné. Ces temps étaient marqués par une affreuse corruption où la cruauté s’alliait à la mollesse. Octave lui-même, durant son partage du Triumvirat, avait été complice et quelquefois principal auteur de barbaries et d’iniquités dont il hérita seul. Le mépris des anciennes mœurs dans ce qu’elles avaient eu de simple et d’austère, la dérision de toute croyance à la loi morale, le recours suprême à la force, l’ambition impitoyable dans les chefs, toutes les convoitises serviles, le parjure, la perfidie, la bassesse dans les instruments, c’était le spectacle qu’avait eu devant les yeux le jeune Octave ; c’était l’école où il se forma pour l’empire. La profonde hypocrisie dont il couvrit d’abord la seule passion honorable de son âme, son alliance avec les meurtriers de César jusqu’à l’heure de les combattre, plus tard sa complaisance aux cruautés d’Antoine, son profit dans les crimes