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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

pour nous, les dithyrambes irréguliers du poëte, ses autres hymnes sacrés, ses élégies, et enfin ses chants pour les vainqueurs dans les quatre grands Jeux de la Grèce. Jamais l’idolâtrie de l’art ne parut plus vive que dans cet hommage au poëte thébain. C’est l’enthousiasme d’un disciple, c’est le ravissement d’un esprit délicat sous l’impression de beautés étrangères qu’il est découragé d’atteindre et dont il n’approche que par l’admiration.

Horace cependant nous apprend quelque part que, de son temps, à Rome le poëte grec avait d’autres émules. « Parlerai-je de Titius, dit-il[1], destiné bientôt à retentir dans les bouches romaines, lui qui n’a pas craint d’aborder la pleine source de Pindare, par dégoût des lacs immobiles et des courants ouverts à tous ? » Quel était ce Titius promis à tant de gloire ? Personne n’en a parlé depuis ; et les ravages du temps ne sont pas sans doute la seule cause de cet oubli. Ovide même, le gracieux Ovide, si disposé dans son malheur à l’indulgence ou à l’admiration pour autrui, n’a pas un mot pour Titius.

« Souvent, dit-il[2], Properce me raconta ses feux, dans l’intimité du commerce qui nous unissait. Ponticus, célèbre par le vers épique, Bassus par l’ïambe, furent les compagnons de ma vie. L’harmonieux Horace tint mes oreilles attentives, alors que sur la lyre

  1. Horat. Epist., lib. III, i, v. 9.
  2. Ovid. Trist. l. IV, eleg. X, v. 45.