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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

deur ; elle n’était pas lyrique. Seulement, il nous reste à chercher ce que deviendra cette poésie, lorsqu’à l’horreur des guerres civiles et de l’anarchie succéderont la modération habile d’un maître et la monotone sécurité d’un long esclavage. Les rudes imitations ou les élans patriotiques des vieux poëtes de la tragédie romaine ne retentiront plus au théâtre, ne plairont plus aux esprits élégants et seront comptés parmi les admirations surannées qu’on reprochait à Cicéron en fait de poésie. La force et la mélancolie de Lucrèce ne se renouvelleront pas, non plus que son audacieuse incrédulité, qui ne sera plus professée dans le sénat par un Jules César.

Mais cette étude profonde de la poésie grecque, ce sentiment du beau qui remonte, non pas au type divin, mais aux copies sublimes de l’art, ce second enthousiasme, né de l’admiration et du goût, continuera de suivre la trace marquée par Catulle. Et, grâce à des jours plus heureux, sans mœurs plus sévères, la poésie lyrique pourra fleurir à Rome. À la passion de la liberté et de la gloire elle viendra substituer le culte de la fortune, l’idolâtrie de la victoire ; puis, par un contraste séduisant et vrai, elle célébrera l’amour du repos, la passion de l’insouciance. Elle profitera de la solitude du forum et de la paix discrète du sénat, pour élever la voix dans cette Rome magnifiquement parée des dépouilles du monde. Ce que les souvenirs mythologi-