Montesquieu, qui, dans ses saillies de critique et de goût, mêlées aux libres peintures des Lettres persanes, traitait assez légèrement la poésie lyrique et la nommait une harmonieuse extravagance, emprunte cependant à Pindare une définition de la loi, qu’il place dans le début de son grand ouvrage. Voltaire n’a pas manqué de trouver cette autorité poétique frivole et peu concluante. Qu’eût-il dit cependant, si, au lieu de la citation tronquée que donne Montesquieu, il eût considéré les fermes paroles du texte original, qu’on doit traduire exactement ainsi :
« Roi de toutes les choses mortelles et immortelles, la loi, établit d’une main toute-puissante la contrainte suprême de la justice[1] ? »
Ce n’est rien moins que le fait d’une morale primitive, d’une vérité absolue, c’est-à-dire la base même de tout droit. De là découle toute la philosophie religieuse et civile du poëte thébain. À ses yeux, ce n’est ni la force du nombre, ni la puissance populaire, ni la liberté même qui doit prévaloir : c’est une équité souveraine, analogue à la Providence divine elle-même.
Par là, sa pensée si hardiment poétique se rapproche encore davantage de la gravité calme et de l’esprit paisible et réglé du prêtre chrétien. Par là, si nous pres-
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Νόμος, ὁ πάντων βασιλεὺς
Θνατῶν τε καὶ ἀθανάτων,
Ἄγει δικαιῶν τὸ βιαιότατον
Ὑπερτάτᾳ χειρί.
Pind., ed. Boiss., Fragm., p. 299.