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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de la fable et du vice : c’est plutôt la pure et suprême intelligence que, deux siècles après, concevait Aristote, accusé d’athéisme dans son temps, mais loué par Bossuet pour avoir parlé divinement de l’âme. C’est la perfection de la béatitude spirituelle, dans la souveraine intelligence ; ce sont ces incomparables joies, dont le philosophe voyait, ose-t-il dire, comme une image ici-bas dans les ravissants plaisirs de la pensée savante[1].

C’est de la contemplation d’une telle béatitude que Pindare dit encore ces mots si simples : « La félicité des justes n’est pas fugitive. » Ces idées sublimes, dont Platon a félicité le poëte thébain, étaient-elles une leçon recueillie dans ces mystères d’Éleusis désignés parfois comme le dépôt d’antiques et saintes vérités ? Pindare semblait en juger ainsi, dans ces deux vers qu’a conservés Clément d’Alexandrie : « Heureux qui a vu les mystères d’Éleusis, avant d’être mis sous terre ! il connaît les fins de la vie et le commencement donné de Dieu[2]. »

Mais ailleurs il avait dit : « Qu’est-ce que Dieu ? qu’est ce que le Tout ? » Ce qui pour lui cependant résolvait le problème, c’était un autre principe de philosophie, l’idée présente d’une Loi souveraine, d’un destin moral, pour ainsi dire, au lieu de cette fatalité aveugle qu’on reproche à l’antiquité, et dont elle ne peut guère se justifier que par exception.

  1. Arist, Polit., lib. VII, cap. i.
  2. Pind., ed. Boiss., Fragm., p. 293.