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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

ses chants, est à la fois son premier salut et son adieu à l’enthousiasme lyrique. Sous le joug de sa fatale doctrine, pareils accents ne lui reviendront plus. Il sera subtil, éloquent, pathétique même ; il trouvera, pour peindre quelques phénomènes du monde physique, avec de fausses applications, d’admirables couleurs ; il épuisera tour à tour l’énergie et la grâce. Mais, destructeur des idoles sans rien adorer à leur place, il aura desséché la poésie tout en triomphant par elle.

Que n’a-t-il su, que n’a-t-il osé combattre le polythéisme, non par Épicure, mais par Anaxagore et Platon ? Quelle grandeur alors auraient eue ses tableaux, épurés de cette mythologie qu’il méprise, mais remplis de cette présence divine que ses yeux trompés n’ont pas aperçue dans l’univers ! Quelle sanction sublime auraient reçue les fragments de vérité, les éclairs de sentiment moral, les premiers cris de justice et d’humanité mêlés souvent aux erreurs de sa philosophie et aux pernicieux exemples de son siècle corrompu ! Cette condition seule peut-être a manqué pour donner dès-lors au Latium, dans un autre ordre de génie, une gloire égale à celle d’Homère.

Mais, loin de là, passant de l’incrédulité païenne à l’athéisme, ne décréditant les déités sans nombre dont l’imagination avait peuplé l’univers que pour nier aussi la divinité même de l’âme, que pour abaisser