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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

nous une image vivante du principe éternel : car seule, elle vient des dieux. Elle sommeille, durant l’activité du corps ; mais souvent, aux hommes endormis, elle révèle en songe le partage de joies ou de peines qui les attend[1]. »

Et ailleurs il avait chanté, avec plus de ferveur encore, sans doute dans le sanctuaire d’un temple : « Au-dessous de la voûte céleste, à l’entour de la terre, volent les âmes des impies dans de cruelles douleurs, sous l’étreinte de maux qu’on ne peut fuir. Mais, habitantes du ciel, les âmes des justes chantent harmonieusement dans des hymnes le grand bienheureux[2]. »

Cette dernière expression, qui n’a point été remarquée ni traduite, n’aurait-elle pas pu sortir de la bouche de Bossuet même, lorsqu’il parle de ces justes « jouissant de Dieu dans une bienheureuse paix qui réunit en lui tous leurs désirs, et le contemplant avec une insatiable admiration de ses grandeurs, » ou bien encore, lorsqu’il se figure « les élus tombant, à la vue de Dieu, dans un tel ravissement d’amour qu’il leur faut toute l’éternité pour en revenir ? »

Certes, ce grand bienheureux, ainsi nommé par le poëte, n’est pas le Jupiter corrupteur et profane, le dieu

  1. Pind., ed. Boiss., Fragm., p. 292.
  2. Ψυχαὶ, .....
    Εὐσεβέων δ’ ἐπουράνιοι νάοισαι,
    Μολπαῖς μάκαρα μέγαν ἀείδοντ’ ἐν ύμνοις.

    Pind., ed. Boiss., Fragm., p. 292.