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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

de captifs enchaînés, valurent jamais ces transports dont retentissait le colossal amphithéâtre de Rome, au souvenir de Cicéron exilé, alors que le comédien Ésope suscita ce nom dans toutes les âmes, en représentant l’Ajax Télamon d’Accius ?

« Sur la nouvelle du sénatus-consulte de rappel, qui venait de passer au sénat réuni dans le temple de la Vertu, ce grand artiste, dit Cicéron[1], toujours au niveau des premiers rôles dans la république comme sur la scène, les yeux en pleurs, avec un rayon de joie mêlé de douleur et de regret, défendit ouvertement ma cause, par des paroles plus puissantes que je n’aurais pu en trouver moi-même. Il mettait à rendre le génie du poëte, non-seulement tout son art, mais sa propre douleur.

Quoi ! disait-il, celui qui d’une âme si ferme étayait la république et l’affermissait, le rempart des Grecs, celui qui, dans les chances douteuses, n’hésita jamais d’offrir sa vie, n’épargna jamais ses jours, ce grand ami dans une si grande crise, cet homme doué d’un si grand génie, ô ingrats Argiens ! ô Grecs frivoles, oublieux des bienfaits ! vous l’abandonnez dans l’exil ; vous l’avez laissé chasser ; vous souffrez qu’il reste banni. »

Et ces paroles, que l’acteur rehaussait, enflammait par le débit, étaient interrompues ou suivies par les

  1. Cicer. Pro Sextio, 56, 57.