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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

rhythme court et rompu, comme les tressaillements de l’alerte militaire : « Déjà, sur la grande mer, se déploie la flotte rapide ; la guerre vole avec la mort ; la troupe féroce arrive, et sous ses vaisseaux ailés elle a couvert les rivages. »

Nul doute que, même transporté, traduit, dépaysé, le pathétique de ce rôle ne dut être contagieux pour la foule. L’âme des spectateurs en restait émue. Ces accents de poésie, ces effrois de l’imagination, étaient comme assortis aux crises dernières de la liberté de Rome. On sent ce contre-coup et cette puissance dans le trouble avoué de Cicéron, à qui ces vers remettent aussitôt sous les yeux la défaite de Pharsale, la fuite de ses amis, le pillage de Dyrrachium et la république abandonnée par ses défenseurs et ses alliés.

Ainsi, cette rude poésie des vieux âges de Rome, quoique imitée en partie de la Grèce, était une voix vivante qui parlait aux âmes romaines, voix trop forte pour être soufferte, quand viendrait l’empire. Mais auparavant, il est curieux pour l’histoire et pour l’art de recueillir certains effets soudains et populaires de cette poésie des Ennius, des Pacuvius, des Accius.

Nous en avons surtout pour témoin un amateur passionné de ces vieux poëtes, Cicéron, qui leur devait bien quelque chose, si nous l’en croyons lui-même, et pour quelques-uns des plus flatteurs souvenirs de sa noble vie. Quel triomphe, en effet, quelles acclamations, à la suite d’un char et entre des files