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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

œuvre, à cette œuvre s’applique ; il s’y met tout entier ; il y délecte son esprit et son âme. Mais, dans le loisir oiseux, l’âme ne sait plus ce qu’elle veut. C’est là notre fait : nous ne sommes maintenant ni à la moisson, ni au camp ; nous allons là ; de là, ici ; et là venus, l’esprit bat la campagne. On vit à côté de la vie. »

On croirait entendre une réprimande du vieux Caton à des oisifs, un de ces axiomes martelés pesamment pour être mieux retenus. On est bien loin des strophes légères du poëte Euripide, chantant la beauté d’Hélène par la voix de jeunes filles grecques, sur ce même rivage où reste encore enchaînée la vengeance qui poursuit le ravisseur d’Hélène.

Ce seul exemple suffit à montrer combien, dans les premières imitations latines, la tragédie grecque devait perdre de sa magnificence et de son harmonie. Ce n’étaient pas, on peut le croire, des bienséances plus sévères, des scrupules de goût qui faisaient ces suppressions. C’était surtout le défaut d’élévation lyrique, et, pour la muse encore rustique du Latium, l’impuissance d’atteindre à ces grâces majestueuses et libres de la muse d’Athènes.

Cette rudesse cependant devait s’adoucir, cette simplicité se rapprocher chaque jour davantage de l’élégance des modèles grecs. Nous ne pouvons douter de ce progrès rapide, pour la comédie latine du moins. Quelle poétique énergie, quelle vivacité d’expression