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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

toyens le reste, chacun pour soi. À ces jeux présidera le préteur qui sera chargé de rendre la justice à tout le peuple et aux plébéiens. Des décemvirs sacrifieront les victimes, selon le rite des Grecs. Si vous faites exactement cela, vous serez toujours prospères, et votre grandeur s’accroîtra ; car ce Dieu exterminera vos ennemis, qui maintenant dévorent à leur aise vos campagnes. »

Chose remarquable, et bien conforme à la nature sérieuse et appliquée du peuple romain : ces premiers contacts de l’imagination et de la poésie grecques ne lui venaient pas en délassement et en parure de l’esprit, mais comme un secours de politique et de guerre, un encouragement à la défense, une arme du patriotisme et de la liberté. C’était au sénat même qu’était porté le fragment de cet hymne ; c’était là qu’on en délibérait, et qu’on instituait solennellement ces jeux Apollinaires, dont la dédicace et le dieu devaient annuellement ramener pour la rudesse romaine des chants de reconnaissance et un luxe d’hommages rapprochés de l’élégante mythologie de la Grèce.

En même temps que le culte public des Romains essayait d’emprunter quelque chose à l’imagination hellénique, les mêmes arts pénétraient dans la vie privée, d’abord si rude et si simple. Cicéron, studieux amateur de l’ancienne poésie de Rome, parle des hymnes, des éloges en vers chantés aux repas funèbres et conservés dans le pieux souvenir des fa-