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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

sanias, aux jours de la conquête romaine, on montrait encore, dans ce temple, près de la statue du dieu, la chaire de fer, où le poëte s’était assis pour chanter ses hymnes[1]. Un court fragment, que tous les traducteurs ont négligé, confirme ce souvenir et semble le salut d’entrée du génie venant frapper à la porte du temple et offrir son aide, pour la défense de la patrie commune. « Par Jupiter Olympien, je t’en supplie, ô déesse à la couronne d’or et aux prédictions éclatantes ! reçois-moi dans ta divine enceinte, moi pontife renommé des Muses[2]. »

On croit entendre le serment d’alliance de la religion et de la poésie, à la veille du combat, où le poëte Eschyle allait chasser devant lui les Perses vaincus. Et ailleurs, dans un vers isolé, faible parcelle de cette couronne d’or que le temps a brisée : « Sois l’oracle, ô Muse ! moi, je serai le prophète[3]. » Mais cette piété active et guerrière recevait en même temps de la pureté pythagorique un caractère plus doux. « Ce que je dois faire pour te plaire, ô dieu de la foudre, fils de Cronos, pour être aimé des Muses et pour rester sous la garde du calme heureux de l’âme, voilà ce que je demande de toi[4]. »

  1. Pausan., Phocid., cap. xxiv.
  2. Pind., éd. Boiss., Fragm., p. 283.
  3. Μαντεύεο, Μοῖσα· προφατεύσω δ’ ἐγώ. — Pind., éd. Boiss., Fragm., p. 296.
  4. Pind., éd. Boiss., Fragm., p. 297.