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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

laient plus alors les vierges libres et pures de Lacédémone. Ce charme est emprunté à la poésie plus antique, aux images plus simples encore de l’Orient ; il vient de cette poésie primitive de la Judée : et c’est ainsi que, par la puissance de l’imitation sur un heureux génie, par l’idéal qu’elle lui fait sentir dans les lointaines images d’un temps dissemblable du sien, un lettré de Syracuse et d’Alexandrie, un poëte de cour, chez un peuple vieilli de luxe et de servitude, a pu trouver cette gracieuse mélodie des idylles grecques, et ajouter, si tard, des fleurs fraîches écloses à la couronne d’Homère, de Simonide et d’Anacréon.

Ce merveilleux retour sur le passé, ces affinités de l’hellénisme, à son avant-dernier âge, avec la grande poésie de l’Orient, avaient frappé Bossuet, et lui font nommer Théocrite un poëte dont la douceur naïve sert à mieux comprendre l’antiquité plus sublime de la Bible. « Nous lisons, dit-il encore, chez Théocrite[1], une très-élégante idylle sur les noces de Ménélas et d’Hélène, où vous trouverez beaucoup de choses venues des mœurs antiques dans celles des Grecs. Des vierges du même âge que la fiancée sont présentes. Sur le nombre, douze sont choisies de noble race, gloire de Lacédémone, qui le soir, dans la chambre nuptiale, chanteront l’épithalame et mèneront les chœurs de danse. Vous pouvez voir

  1. Œuvres de Bossuet, t. II, p. 220.