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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

la Grèce, reconnaître le caractère profondément religieux du poëte. Ce n’est pas, comme dans l’arrière-saison du culte et de la poésie mythologique, comme dans les hymnes officiels de Callimaque et les extases savantes de Proclus, un effort de travail ou d’abstraction rêveuse. On sent la foi candide d’une imagination pieuse éclairée par une sublime morale ; c’est Pythagore épurant Homère. C’est déjà la pleine lumière de ce bel âge de la Grèce qui commence à Eschyle et que couronne Platon, âge où le sublime, soit de la passion, soit même de la réflexion, a toujours la forme et l’accent de la poésie.

Dans Pindare, et plus qu’ailleurs, ce ton religieux du poëte, si différent des formules d’invocation de l’épicurien Horace, n’est pas seulement l’expression d’une sincère croyance, mais le signe même du sacerdoce. Pindare, évidemment, appartient au culte ; il est desservant de l’autel, où ce culte était le plus puissant et le plus vénéré. Il aurait pu dire de Delphes comme le jeune Ion, dans la tragédie d’Euripide, dont s’est inspiré l’auteur d’Athalie : « J’adore le temple qui m’a nourri : Τὸν θρέψαντα ναὸν προσκύνω. »

C’est une tradition, en effet, que Pindare, né dans soixantième olympiade, et homme fait, au temps de l’invasion de Xerxès dans la Grèce, recevait à Delphes, dont les oracles furent si patriotiques, pendant cette guerre, une part accordée par les prêtres sur les victimes immolées dans le temple ; et, du temps de Pau-