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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

grande part. C’est par eux qu’il commence toujours. Il donne beaucoup aussi à des rois courageux, beaucoup aux villes, beaucoup à de braves compagnons de guerre ; et, dans les lices sacrées que protége Bacchus, il n’est pas venu d’homme habile à moduler des airs, que ce roi ne lui ait donné un digne loyer de son art. Aussi, les interprètes des Muses chantent Ptolémée pour sa munificence… »

Puis, rappelant avec un luxe d’apothéose et de servilité les offrandes et l’encens partout consacrés au dieu présent, au prince qui règne, le poëte s’arrête à ces mots : « Salut, ô roi Ptolémée ! Je me souviendrai de toi, à l’égal des autres demi-dieux. Je t’offrirai des vers qui, je le crois, ne seront pas dédaignés de l’avenir. Mais c’est de Jupiter que j’attends la vertu. »

Rien, ce semble, de plus élégant que le style de l’original, dans cet hymne de cour. Le bon goût du langage est en lutte avec l’idolâtrie de l’éloge. La puissance des Ptolémées, leurs possessions en Asie et dans la mer Ionienne, tout cet héritage du génie grec, destiné à tomber bientôt sous la main guerrière de Rome, sont noblement décrits. Les vers surtout qui retracent le repos de l’Égypte, sa paix féconde et son vaste commerce, semblent d’une beauté durable ; mais là même apparaît tout entier le vice de cette monarchie née de la poussière d’Alexandre. Nulle vertu civile, nul souvenir de gloire et de liberté n’est rappelé, dans cette langue encore si pure, à ce peuple grec transplanté de-

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