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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

d’Alexandrie. Ils se sont inquiétés à l’idée de faire le Dieu de bonté auteur du mal.

Par ce mélange de croyances diverses qui étaient alors le trésor commun de l’esprit poétique, ils se sont souvenus de la belle prière du stoïcien Cléanthe, disant à son Jupiter : « Nulle œuvre ne se fait sur la terre en dehors de toi, ô Dieu, ni dans les vastes contours du céleste éther, ni sur la mer, hormis ce que les méchants peuvent enfanter dans leur âme. »

Évidemment, sous l’impression de ces nobles élans de l’antique spiritualisme païen, le nouveau réviseur de l’hymne orphique dit précisément ici le contraire des premières paroles, qu’il transcrit et qu’il développe. Son Dieu, du milieu des biens, n’envoie pas le mal aux mortels. Seulement, à l’aspect du monde physique et moral, le pieux contemplateur est bien obligé de reconnaître qu’à la suite de Dieu marchent la guerre et la famine, tous ces maux si communs dans l’univers, et qui, selon l’expression du livre des Machabées, après la mort d’Alexandre se multipliaient sur la terre.

Mais, satisfait de cette restriction, il ne pénètre pas plus avant dans le problème du mal physique et moral à faire coexister avec la bonté divine, et dans celui de la liberté de l’homme à concilier avec la prescience suprême.

Ces grandes difficultés, qui devaient, quelques siècles plus tard, tant occuper le génie d’Augustin, n’apparais-