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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Mais, à part ces conséquences lointaines de la politique adoptée par les Ptolémées dans la fondation de leur éphémère empire, il faut reconnaître dans la science et l’esprit d’Alexandrie une autre influence religieuse que celle du polythéisme égyptien ou grec. Le grand nombre des Juifs y dut avoir une action morale très-étendue. Mêlés par le commerce, le partage de la milice, le service public des princes, à toute la vie du peuple conquérant, ils adoptèrent des idées, des systèmes de philosophie qu’ils exposèrent à leur tour dans la langue nouvelle dont ils se servaient pour l’exercice même de leur culte : ainsi, beaucoup de leurs croyances durent se répandre autour d’eux et se communiquer au dehors.

Sans doute, ces émanations de l’esprit judaïque étaient surtout accueillies, selon le rapport plus ou moins grand qu’elles offraient avec les idées païennes. Peut-être les vives peintures du Cantique des Cantiques, ces images d’une poésie si sensuelle que l’ancienne synagogue en interdisait la lecture, furent-elles ce qui d’abord intéressa l’esprit grec. On pourrait le supposer, en trouvant dans un jeu poétique de Théocrite, dans l’Épithalame d’Hélène, une rencontre si heureuse, ou plutôt une si visible imitation des brûlantes images du voluptueux monarque de Judée. Mais nul autre souffle de la poésie hébraïque ne vint-il toucher les lyres grecques d’Alexandrie ? De ces temples juifs multipliés dans la haute ville, où,