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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

d’une partie du moins des transplantés et des prosélytes, le prodige serait que nul accent de la lyre hébraïque n’eût retenti en dehors du temple, que rien de cette poésie si forte ne fût arrivé jusqu’aux oreilles des savants et de la foule.

Admettons plutôt que, dès cette époque, et dans les siècles qui suivirent jusqu’à l’avènement du christianisme, à part la version des Septante, il dut se faire dans le monde grec oriental une infiltration constante des idées juives. Comment supposer en effet que, dans cette immense bibliothèque, où non-seulement les chefs-d’œuvre des beaux temps de la Grèce, les plus précieux manuscrits de l’Attique et de la Sicile étaient recueillis, mais où s’accumulaient aussi les monuments des langues persane et chaldéenne, les livres de religion et d’astrologie apportés de Babylone, il n’y eût pas de bonne heure une place pour les écrits de ce peuple juif à demi indigène de l’Égypte, ramené par sa défaite au foyer de son ancien esclavage, et maintenant employé par les successeurs d’Alexandre au soutien de leur domination sur le reste du pays.

Introduit par les rois grecs, mais incorporé aux antiques croyances de l’Egypte, le culte de Sérapis domina dans Alexandrie. Son temple devint la dernière citadelle du paganisme, et, selon l’expression d’un Romain du quatrième siècle[1], le Capitole religieux de l’Orient.

  1. Amm. Marc. lib. xx.