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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

teur de tous les biens et préservateur des maux ! Qui pourrait dignement célébrer tes œuvres ? Il n’est pas né celui-là ; il ne naîtra pas. Qui chantera les œuvres de Jupiter ? Salut, ô Père ! Salut encore ! Donne la vertu et la richesse. Car, sans la vertu, la richesse ne saurait élever les hommes ; ni la vertu, sans la richesse. Donne donc et la vertu et la richesse. »

De ce langage plus solennel que grand, de cette gravité calme et non sans grâce, quelques traits de lumière ne semblent-ils pas se réfléchir sur l’état de langueur et la réforme abstraite du polythéisme d’alors ? Dans les vers qui précédaient ceux que nous avons traduits, le poëte érudit avait corrigé bien des choses de l’ancienne tradition sur la naissance de Jupiter ; en cela, il s’éloignait d’Homère et de Pindare. Il s’en éloigne plus encore, dans l’idée qu’il se fait de la royauté toute-puissante. Vous n’avez plus ici le roi de Syracuse et la table hospitalière autour de laquelle, disait Pindare : « Nous autres hommes jouons avec la poésie, dont lui-même se pare. » Tout semble ici plus fastueux et plus sévère. Le dieu des rois est à part, comme eux. Il a près de lui ses deux ministres, la Force et la Puissance, les mêmes que, dans la Grèce libre, Eschyle représente comme présidant à la vengeance exercée sur un dieu bienfaiteur de l’homme, sur le dieu philanthrope, dit le poëte, qui s’est avisé de donner au genre humain le feu et la science.

Le poëte alexandrin assigne au dieu protecteur des