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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

chances lui étaient offertes dès lors, et dans le siècle suivant, par la dispersion de la Grèce sur tant de points du monde, par cet appel qu’une langue, une civilisation savante et victorieuse venaient faire aux intelligences diverses de tant d’indigènes d’Europe, d’Asie et d’Afrique, rapprochés par la conquête d’Alexandre.

En même temps, sous les formes du pouvoir absolu auxquelles était partout ramenée la race hellénique, par l’étendue même de ses victoires et son mélange avec les nations esclaves d’Asie, toute cette part d’esprit et de feu qui, chez ce peuple le plus ingénieux de la terre, s’était longtemps exhalée en débats de cités rivales, en luttes jalouses de grands orateurs, en procès publics et privés, semblait n’avoir désormais qu’une seule ambition et qu’une seule issue, la culture savante des esprits, l’activité et la gloire de l’étude. Mais là paraissait bien cette vérité tant de fois éprouvée : qu’il faut aux lettres une âme bien plus qu’une protection, et que nul loisir, nulle faveur, ne vaut pour elles l’agitation d’un temps libre et glorieux.

Une grande inégalité se marqua dans le mouvement d’étude et de savoir qui suivit la conquête macédonienne, et qui fut la seule grandeur morale laissée à l’homme déchu désormais de cette noble liberté, de cette souveraineté de soi-même, qu’avait tant aimée la Grèce.

Dans les sciences qui dépendent surtout de l’obser-