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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

par là même, involontaire parodie de cette poésie sublime, de cette magnificence de langage, dont les chœurs des tragiques et les hymnes de Pindare avaient offert le modèle à la fois extraordinaire et naturel.

Ce serait une étude technique de noter, dans les vers de l’Alexandra, les mouvements, les images, les formes de style, empruntés ou détournés d’Eschyle ou de Pindare. On y verrait, avec le faux goût d’une époque tardive et d’une littérature transplantée, à quel point cette belle imagination des temps héroïques de la Grèce avait mis son empreinte sur les esprits studieux du Muséum.

Mais, nous le dirons, dans un tel travail, l’inégalité des œuvres est, pour ainsi dire, en proportion de leur ressemblance affectée : l’éclat éblouissant devient obscurité semée d’éclairs, la hardiesse, bizarrerie, et la grandeur, monstruosité.

Ces défauts du langage ultralyrique de Lycophron, assez habilement conservés dans une traduction moderne en vers anglais, offriraient une étude piquante sur le grand art d’écrire, et sur ce point extrême, où, dans le génie de l’orateur et du poëte, comme dans la fortune du conquérant, on peut exactement dire : « Du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas. » Ce pas, Lycophron l’a souvent franchi ; et toutefois, à part les emprunts raffinés de langage, les enchères d’audace métaphorique, il y a quelques beautés à recueillir dans cette suite de prophéties nuageuses de Cassandre, du haut de la tour