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ESSAIS SUR LE GÉNIE DE PINDARE

dernier flot de la vie, nous souhaitons de vivre : on n’a jamais satiété de la vie. »

Que si, d’après la seule œuvre de ce poëte qui lui ait survécu, on augure mal de son génie ; si la subtile et bizarre emphase du poëme d’Alexandra ne permet de lui attribuer, ni la libre éloquence nécessaire au drame, ni la splendeur lyrique, n’oublions pas cependant qu’il fut, pour les contemporains, l’égal d’Apollonius de Rhodes, d’Aratus et de Théocrite, formant avec eux et d’autres plus obscurs la pléiade poétique du ciel alexandrin.

« L’or et la boue sont confondus pendant la vie de l’artiste, et la mort les sépare, » dit la Bruyère, parlant de ces faux parallèles que fait, à toutes les époques, la vue partiale et confuse des témoins du temps. Il est certain que la belle, la naturelle poésie était encore possible au siècle des Plolémées, puisque Théocrite de Sicile a traversé impunément leur cour et qu’il a écrit son éloquente idylle de la Magicienne. Mais on ne peut douter qu’après lui, quand un souvenir naïf de mœurs étrangères, quand une passion vraie ne montait pas au cœur de l’écrivain, l’érudition et la recherche, la science du style poussée jusqu’au raffinement, la prétention de l’art, devenue comme une manie superstitieuse, ne jetassent le talent même dans le bizarre et le ténébreux.

Telle fut la destinée de Lycophron. Tel il nous apparaît, dans sa prédiction d’Alexandra, dernier excès, et