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ET SUR LA POÉSIE LYRIQUE.

Ces exemples pourraient être multipliés sans fin et descendre à des détails de diction, qui surprendraient parfois et donneraient en même temps la seule idée vraie de l’expression de Pindare, dans ses nombres sans loi.

On verrait des deux côtés le même mélange de la plus haute élévation et du langage le plus simple, et une sorte de naïveté dans la magnificence. On y verrait ce même art, ou plutôt cette création spontanée, cette création par le verbe du génie, sans matière préexistante, qui tire de soi la grandeur que les choses n’ont pas, en même temps que, d’instinct et sans hausser la voix, elle s’égale par la parole à tout ce qui est sublime dans la nature, ou dans l’homme. L’évêque de Meaux n’a pas toujours pour inspiration et pour appui la gloire d’un Condé, les calamités d’une Henriette d’Angleterre ou de France. Qui de vous, bienveillants lecteurs, connaît messire Henri de Gornay, seigneur de Talange, chevalier non moins obscur de son temps que ne le sont aujourd’hui bien des vainqueurs de Pise et d’Olympie ? Eh bien, c’est dans l’éloge funèbre de ce bon gentilhomme que, mettant à la place de l’individu, qui n’est rien, la grandeur et la misère de l’humanité, Bossuet se complaît à dire : « Toutes les rivières ont cela de commun qu’elles viennent d’une commune origine, que, dans le progrès de leur course, elles roulent leurs flots en bas par une chute continuelle, et qu’elles vont perdre leurs noms, avec leurs eaux, dans le sein immense de l’Océan, où l’on

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